Goélands nicheurs urbains de Normandie
En Normandie, trois espèces de goélands sont essentiellement concernées par la reproduction urbaine : les goélands marin, goélands brun et goéland argenté.
Cette dernière espèce est la seule qui puisse faire l’objet de campagnes de stérilisation des nids, les deux autres étant elles intégralement protégées.
Goéland argenté
Le goéland argenté est le moins rare des oiseaux marins nicheurs de Normandie ; l’espèce était pourtant au bord de la disparition en France au début du XX° siècle, puisqu’elle ne nichait plus du tout en Bretagne et ne subsistait en Normandie qu’en un seul site cauchois : le Cap d’Antifer.
La protection légale accordée à l’espèce en France, la réduction des actions de destruction et la protection des colonies de reproduction ont expliqué ensuite l’augmentation des effectifs en milieu naturel à savoir les îles et les falaises ; le maximum régional de 18000 couples est atteint en 1998 alors que des déclins sont déjà constatés sur certains sites (depuis 1978 à Chausey et Saint-Marcouf par exemple).
En effet, progressivement, dès la décennie 1970, la fréquentation humaine accrue du littoral, l’érosion liée à l’augmentation de la fréquence des tempêtes et l’élévation du niveau marin (dues au réchauffement climatique global), la concurrence du goéland marin, les pollutions ont entraîné d’abord des diminutions des effectifs nicheurs en certains sites naturels ; ce phénomène s’est accéléré à partir du début du XXI° siècle. Finalement, le nombre de couples de goélands argentés nicheurs en Normandie en sites naturels est descendu à un peu plus de 4300 couples en milieu naturel en 2021 : l’effectif a donc été divisé par 4 en vingt ans.
Depuis le début des années 1980, le mode de vie des hommes, de plus en plus dispendieux et gaspilleur, a évolué de telle sorte qu’il a induit une adaptation assez facile de cette espèce au milieu humain : la nidification urbaine s’est développée en de nombreux sites tant en France qu’ailleurs en Europe et même partout dans le Monde pour d’autres espèces de goélands. En Normandie, alors qu’aucune nidification urbaine n’était connue à la fin des années 1970, 500 couples nichaient en ville en 1988 et on dénombrait un peu plus de 13000 couples urbains en 2021 sur environ 70 communes normandes (cf. carte de couverture).
Il faut remarquer que l’augmentation des nidifications urbaines n’a pas compensé le déclin en milieu naturel : en 2021, moins de 17500 couples nichaient au total en Normandie, soit 4500 couples de moins qu’en 1998 (baisse de plus de 20 %).
Évolution du nombre de couples nicheurs de goéland argenté en fonction des milieux occupés
Il est important de noter que toutes ces données, tous ces chiffres n’existent que grâce à l’action du GONm et de lui seul. Notre association recense les goélands depuis longtemps, depuis 1968 pour certains sites. Aucun autre organisme ne l’a fait et ne le fait à l’échelle régionale.
C’est donc fort de cette connaissance mais aussi de l’expérience acquise dans la gestion des sites mis en réserve par le GONm (protégés, gérés et suivis scientifiquement) et où des goélands nichent (Chausey, Jobourg, Cherbourg, Saint-Marcouf, Antifer, Cap Fagnet), que nous pouvons dresser un état des lieux aussi précis et proposer des avis réalistes et fondés.
La nidification des goélands en milieu urbain
La nidification des goélands en milieu urbain ne représente pas une adaptation particulière et elle ne concerne donc pas une fraction particulière des populations. Compte tenu de sa large amplitude écologique, le goéland argenté a su en effet profiter des modes de vie humains modernes : ces nidifications urbaines ne pourraient donc diminuer qu’avec un changement de notre propre mode de vie.
En attendant, dans la perspective qu'ont certaines collectivités de limiter la croissance des effectifs urbains, voire espérer leur diminution locale, plusieurs actions sont envisagées :
- Essayer de déplacer les goélands vers des sites moins dérangeants pour la population : zones industrielles, portuaires, relativement loin des secteurs habités. Pour cela, il faut prévoir des sites d'accueil attractifs et attendre que quelques couples s'y installent spontanément, assurer leur protection et, surtout, ne pas pratiquer la stérilisation sur les toits des usines et des zones industrielles.
- Favoriser le retour des oiseaux en milieu naturel ce qui nécessite la mise en protection des sites identifiés comme les plus favorables (ceux notamment où l’espèce se reproduit actuellement) avec une interdiction d’accès de mars à juillet, une signalisation dissuasive, une surveillance des sites et des opérations de dératisation, le tout couplé aux mesures proposées pour les sites urbains et périurbains. La lutte contre le déclin en milieu naturel avec des colonies protégées, des zones d’alimentation protégées est une évidence. Dans ces zones concrètement protégées, l’extraction de granulats, le dépôt de déchets devront être interdits ; la pression de pêche devra être diminuée et contrôlée, le dérangement par les activités de loisirs restreint.
Plusieurs actions ont également été menées par certaines collectivités locales ou des entreprises depuis quelques décennies :
- Réduire les sources de nourriture en informant les habitants qui, volontairement ou involontairement, nourrissent les goélands ; en supprimant l'accès possible aux poubelles ; en fermant les décharges ; en supprimant l'accès possible aux déchets de la pêche.
- Favoriser la reproduction du goéland marin (seul prédateur du goéland argenté).
- Nettoyer les terrasses en période internuptiale afin de retirer tout ce qui peut servir à construire les nids.
- Poser des obstacles sur les toits où les nuisances sont les moins supportées (pour éviter ainsi de souiller les toits, les façades, les voitures en contrebas).
- Parallèlement, un travail important de médiation et d'information doit permettre aux citoyens d'accepter de vivre en accord avec la nature et les animaux qui la peuplent (à condition de gérer rapidement les situations ponctuelles de crise).
Retour sur la stérilisation
Si tout ce qui est listé ci-dessus échoue et si les nuisances persistent, il faut savoir que la stérilisation des œufs n’a pas pour but de réduire les effectifs mais bien de réduire les nuisances liées à l’élevage des jeunes (cris, restes alimentaires, duvet, plumes de mue, cadavres…) et ne règle rien sur le long terme.
S’il est décidé par les pouvoirs publics de procéder à la stérilisation des œufs dans les nids, il faut se limiter aux nids établis dans les secteurs où les nuisances sont les plus fortes, créer des dérangements et provoquer l'instabilité de ces colonies, mais au profit d’une nouvelle zone de nidification mise à disposition et rendue attractive via les mesures énoncées ci-dessus.
Les modalités de la stérilisation conduisent à des résultats très variables. De nombreux problèmes pratiques impactent les résultats. Par exemple, lorsque la stérilisation est « ratée » sur un secteur, des jeunes naissent et constituent un fort stimulus pour les couples qui ont échoué sur un secteur proche dont la stérilisation a été efficace. Ces nicheurs en échec se regroupent sur le secteur où il y a des jeunes et la nuisance sonore peut devenir alors considérable.
La stérilisation des œufs de goéland argenté peut induire, si elle n’est pas parfaitement conduite, à la stérilisation des œufs des goélands marins et surtout ceux du goéland brun plus faciles à confondre avec ceux de l’argenté. Or, ces deux espèces sont protégées et la stérilisation de leurs œufs n’est donc pas admissible.
Le tour de la situation a été fait en 2022 à la demande de la DREAL Normandie. L'étude « Les goélands nicheurs urbains en Normandie » (76 pages) a été reprise et publiée dans Alauda : Debout, G. 2023 - Les goélands nicheurs urbains en Normandie. Alauda, 91(4) : 259-270.
La suite
Que la stérilisation continue ou pas, il est essentiel de poursuivre les recensements des nicheurs ne serait-ce que pour informer les habitants des évolutions démographiques des espèces nicheuses, les sensibiliser à la présence de la nature sauvage dans leur quotidien, pour répondre à leurs demandes ou à leurs inquiétudes et pour éviter les actes de destruction non autorisés.
Le GONm est l’organisme compétent pour mener à bien ces suivis en Normandie, les comparer à l’historique que nous avons constitué au cours des décennies et contribuer à la bonne information scientifique des citoyens et des collectivités dans le cadre de leurs prises de décision relatives à la diminution des nuisances.
Document GONm - Gérard Debout (textes et photos) - Juin 2025