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La réserve ornithologique de Carolles (Manche) : 20 ans d’existence

La réserve ornithologique de Carolles (Manche) : 20 ans d’existence


Histoire de la réserve

La réserve des falaises de Carolles, à la limite nord de la baie du Mont-Saint-Michel, est une réserve située sur le passage migratoire de plus de 500 000 passereaux qui, d’août à novembre descendent et se concentrent sur cette dernière pointe rocheuse avant la baie. Le site est visité chaque année par plusieurs dizaines de milliers de touristes.
La pointe de Carolles atteint une altitude de 60 m ; d'allure massive, ces falaises ont un abrupt réduit, inférieur à 15 m ; les pentes très convexes sont couvertes de landes à bruyères, d’ajoncs, de genêts, de prunelliers et même d'arbres dans les vallons abrités et sur le plateau sommital ; ces arbres présentent de beaux faciès d'anémomorphose(c’est-à-dire d’arbres dont la forme est « sculptée » par le vent). Sur le plateau, des parcelles sont mises en cultures ou vouées à l'élevage. La réserve comprend donc des portions de landes, de bois et de champs de labour, quelques secteurs de pelouses ; elle est limitée par un talus préhistorique couvert de fourrés, qui limitait un éperon barré.
Dès le milieu des années 1970, des observations intéressantes de migrateurs sont effectuées sur le site, mais ce n’est qu’en 1985 que, d’août à novembre, des observateurs ont mis en évidence un important couloir de migration postnuptiale.
Dès 1988, le GONm édite une plaquette d'information en français avec le soutien de la BPO, plaquette traduite en anglais en 1991. Ces deux plaquettes éditées en plusieurs milliers d'exemplaires, les nombreux communiqués de presse (presse locale, presse spécialisée nationale et britannique) ont aidé à faire connaître le site.
La réserve conventionnée GONm de Carolles a été créée le 22 novembre 1989 par signature d’un bail avec les différents propriétaires. Grâce aux interventions du GONm auprès du Conseil général et du SMET (syndicat mixte d’équipement touristique), la réserve a été étendue par signature d’une convention avec le SMET qui nous confiait la gestion des terrains au fur et à mesure de leur acquisition. Une autre convention de gestion avec la commune de Carolles a étendu la réserve en y incluant les falaises communales. Enfin, une dernière convention a été signée avec le SyMEL(syndicat mixte d’équipement du littoral), qui nous confie la gestion de la réserve qui, peu à peu, devient propriété du département de la Manche.
La réserve de Carolles a été créée essentiellement pour le suivi de la migration diurne des passereaux grâce, entre autres, à une gestion conservatoire des parcelles par des cultures attractives pour faciliter l'observation et le baguage. Mais son intérêt a été, dès le début, volontairement élargi : la maîtrise de la gestion des terres permet le retour à des techniques « douces » favorisant le développement d'une flore et d'une faune associée riche.
Les cultures (tournesol, sarrasin...) des prés du haut de falaises permettent aux plantes messicoles de se développer : elles ont pour but de favoriser les haltes migratoires des granivores, mais aussi des insectivores. De plus, certaines plantes aident à la conservation d’insectes, comme les bourdons sur le sarrasin. La gestion écologique implique qu’il n’y ait pas de récolte puisque nous laissons les plantes fleurir pour être butinées et grainer pour nourrir les oiseaux. Des murets de pierres sèches ont été reconstitués en partie pour ménager des cavités nécessaires à ces insectes, une petite mare artificielle a été installée pour y observer des amphibiens et des insectes aquatiques. Des chevaux paissent sur les zones prairiales.
Depuis la création de la réserve, des adhérents bénévoles (au premier rang desquels Matthieu Beaufils), des salariés du GONm chargés du suivi automnal à titre temporaire, puis des objecteurs ont assuré le suivi de la migration. En 1994, le GONm affecte un objecteur de conscience comme observateur permanent, basé à Carolles, chargé de l’entretien de la réserve et des animations. Dès 1995, des contacts avec le syndicat d’initiatives de Carolles permettent de faire une bonne publicité pour le site dans les revues ornithologiques françaises et étrangères (anglaises notamment).
En octobre 1996, le GONm dépose un projet à la Fondation Nature & découvertes pour l’aider à la pose d’une clôture et d’une barrière et pour la création d’un chemin. Ce projet, en particulier la clôture, avait reçu l'agré¬ment du maire de Carolles et l'autorisation de la DIREN et devait canaliser le flux touristique autour des cultures écologiques favorisant les haltes migratoires. Il est accepté le 12 juin 1997 par la Fondation qui finance une partie du coût.
En juillet 1997, commence la pose de 210 m de clôture, d’une barrière à écharpe de type normand et la création d’un chemin avec trois passages en bois le tout pour empêcher la pénétration des véhicules (quatre ou deux roues) sans empêcher l’accès des engins agricoles et des piétons. La pose de cette clôture a permis le respect des cultures et le non élargissement des chemins existants, élargissement qui se faisait auparavant du fait du passage de milliers de personnes, au détriment des haies de prunelliers et d’aubépines, souvent mises à mal par une fauche communale d’entretien, parfois excessive. Cette clôture, depuis, est totalement intégrée puisqu’elle supporte la repousse de la haie vive de prunelliers.
Des panneaux d’information ont été posés en octobre 1997 et un dépliant à usage du public pour la saison touristique 1998 a été réalisé pendant l’hiver.
C’est le 4 octobre 1997, sur le site de la cabane Vauban, qu’est inaugurée officiellement la réserve, après les travaux, en présence de responsables de la Fondation Nature et découvertes et de plusieurs personnalités locales et départementales.
À partir du 1er mai 1998,  le poste tenu jusqu’ici par un objecteur est remplacé par un emploi-jeune d’animateur - gestionnaire, créé avec l’aide du Conseil général de la Manche (dans le cadre de la participation départementale au programme national « nouveaux services - nouveaux emplois »). Fabrice Gallien sera recruté sur ce poste.
Une collaboration étroite s’est engagée très tôt avec le Syndicat d'Initiatives de Carolles, avec l’Association de protection de la vallée du Lude ainsi qu’avec la mairie qui nous a constamment soutenus et a longtemps hébergé nos permanents. La création de la « MOM », maison de l’oiseau migrateur (avec l’aide du Conseil général et grâce à l’implication active des adhérents locaux du GONm) et le week-end de l’oiseau migrateur à la Saint-Michel (avec l’aide de la mairie) nous ont permis de renforcer nos actions sur ce site exceptionnel.
En novembre 2000, nous procédons au recrutement d’un nouveau salarié (Sébastien Provost), en remplacement de Fabrice Gallien, devenu chargé de mission au siège du GONm à Caen.
En 2002, dans le cadre de notre trentième anniversaire, une des opérations destinées à fêter l’événement, a été l’organisation du premier « week-end de l’oiseau migrateur » (cf  infra).
Le GONm établit son permanent dans un local que nous louons dans la rue principale : ce local devient «  la Maison de l’Oiseau Migrateur (MOM) » dont l’inauguration a eu lieu le 1er Juin 2003. Puis, grâce aux relations étroites nouées avec ses deux maires successifs (Messieurs Simon et Bagot), la commune de Carolles met à la disposition du GONm un nouveau local (neuf et construit pour nous !) à compter du printemps 2006 près de la poste et du SI. La MOM  peut donc poursuivre et développer ses activités.
Un bilan des observations et recherches effectuées entre 1983 et 1997, principalement par les bénévoles, est publié dans le Cormoran (Beaufils 2002, Cormoran n° 56), un autre couvre les suivis effectués de  2000 à 2004. À partir de l’automne 2005, pour accroître les connaissances sur la migration « rampante » des passereaux à Carolles, le GONm souhaite relancer les opérations de capture à travers un programme de baguage des oiseaux locaux (programme SPOL) et développer son action à Carolles, mais aussi dans la baie du Mont et à Chausey : il décide donc de maintenir le poste du salarié en le transformant en CDI en avril 2006.
Après près de 20 ans de recherche scientifique et de gestion conservatoire du milieu, après avoir fait intégrer le site à la ZPS et à la ZICO de la baie du Mont-Saint-Michel, après avoir contacté quelques dizaines de milliers de visiteurs, soit sur le site même, soit à la Maison de l’oiseau migrateur, et après sept éditions du week-end « oiseau migrateur » à la Saint-Michel, notre espoir est de poursuivre et d’amplifier ces actions de suivis scientifiques et d’amplifier encore la renommée du site et de ses migrateurs  … avec votre aide.
Les partenaires du GONm au cours de ces années ont été, outre la Fonction Nature & découvertes déjà citée, le Conservatoire fédératif des espaces naturels de Basse-Normandie pour l’aménagement de la réserve, le département de la Manche (soit en tant que tel, soit via le SMET puis le Symel) pour une aide constante pour le fonctionnement et le développement de notre activité sur le site, et bien sûr à Carolles même, le Syndicat d’initiatives, l’Association de protection de la vallée du Lude, la commune et ses élus. Merci aussi aux salariés du GONm et merci surtout aux bénévoles, adhérents du GONm qui se sont investis dans cette réserve, soit comme responsables administratifs, soit comme observateurs, soit comme gestionnaires (comme le conservateur actuel, Paulo Sanson), soit comme animateurs à la réserve ou à la MOM et qui ont fait de Carolles un lieu exceptionnel d’activité ornithologique.


Le patrimoine naturel


Le premier inventaire botanique des parcelles labourées a été réalisé en 1989, il s’est poursuivi depuis. Les fleurs de sarrasin et les radis, les pensées, les centaurées attirent fortement les papillons du site : plusieurs milliers peuvent se voir sur la réserve. Par exemple, un jour donné, est-il possible de voir 1 500 à 2 000 amaryllis,…. Les espèces communes sont bien représentées, il faut souligner l’abondance du cuivré commun, de la mégère, de l’azuré commun et d’autres papillons plus rares comme l'azuré porte-queue, qui réside surtout dans la région méditerranéenne.  La liste des papillons diurnes fréquentant le site a été établie dès 1989 et actualisée depuis, bien sûr. Parmi les autres insectes notables, citons les orthoptères (criquets, sauterelles et grillons) dont la diversité est exceptionnelle. Pour les insectes, Carolles est, là encore, un site favorable à l'étude de la migration en particulier des papillons diurnes : une étude a été commencée dès août 1989 sur le cuivré commun, ainsi un suivi de la migration des vulcains avec des milliers d’individus. Carolles est aussi un site d'observation de certaines libellules en migration  et parfois de coccinelles.
Le lézard vert se rencontre partout dans la réserve (surtout dans les buissons et les parcelles cultivées). La coronelle lisse (une couleuvre) fréquente surtout les abords du talus qui borde la réserve au Sud. Sa présence est certainement liée à celle de nombreux lézards et, en particulier, de l'orvet dont elle est un grand prédateur. Blaireau, hermine, belette, renard, sanglier, campagnols, une forte population de lapin de garenne (entretenant avantageusement une pelouse rase) sont les mammifères les plus contactés. En mer, l'observation du grand dauphin et celle du phoque veau-marin sont fréquentes.


Les oiseaux


Les falaises de Carolles sont connues depuis les années 1960 des membres du Groupe Ornithologique Normand pour leur intérêt ornithologique  : le grand corbeau et la fauvette pitchou en sont les espèces phare. Depuis 1985, d’août à novembre, les observateurs ont mis en évidence un couloir de migration post-nuptiale spectaculaire : plus de 500 000 oiseaux appartenant à plus de 100 espèces sont réellement comptés (et non pas estimés): en septembre, des passages de 2 500 hirondelles, 900 bergeronnettes printanières, 33 pipits rousseline et 9 bruants ortolans ont ainsi pu être notés au cours d’une même matinée. Octobre est le mois le plus favorable pour l’observation des migrateurs avec quelques maxima remarquables : plus de 500 000 pinsons des arbres, de 2 000 chardonnerets et de 13 000 tarins des aulnes, sans oublier  9 800 pinsons du Nord, près de 165 000 étourneaux, 7 600 grives musiciennes, 3 900 grives mauvis, etc….
Le plateau des falaises de Carolles accueille en hiver quelques dizaines d’alouettes lulu, et plusieurs centaines d’autres passereaux granivores.
Si le passage prénuptial est moins intense que la migration automnale, il est toutefois digne d’intérêt : traquet motteux, pipit des arbres, pouillot fitis passent par milliers. Quelques oiseaux plus rares sont observés : rousse¬rolle verderolle, bondrée apivore, hypolaïs ictérine, par exemple.
Enfin, les nicheurs sont à évoquer ; les plus remarquables sont le tadorne de Belon, l’épervier d'Europe, l’hypolaïs polyglotte, les fauvettes pitchou et babillarde, le bruant zizi, le loriot d’Europe, le grand corbeau (disparu récemment).
Depuis la réserve, on peut observer les rassemblements de macreuse noire avec des milliers de mâles en mue post-nuptiale en été, puis d’autres en hivernage. En automne, la migration des sternes, de la mouette pygmée, du goéland brun est remarquable, tout comme la présence du petit pingouin et du guillemot, le guillemot de Troïl élevant des jeunes a ainsi été observé en fin d’été. En hiver, plongeons, grèbe huppé et harle huppé sont, avec les laridés, les hivernants les plus classiques.

Claire Debout